Ensemble de pièces,
installation
Présenté lors du diplôme de l’ENSP d’Arles - Mai 2025
installation
Présenté lors du diplôme de l’ENSP d’Arles - Mai 2025
Depuis 2021
Chì tù fermi secca : ghjastema (anathème) qui provient de la légende d’A Spusata, et traite de ce double statut de l’image : entre fixité sentencielle et impossibilité de la transmission.
Depuis l’histoire de la carte postale en Corse et le principe pastoral de l’orazione (scapulaire de la Saint Antoine de Padoue), ce projet interroge la circulation des visibilités dans l’île. Il a s’agit de mettre en lien la visibilité itinérante du territoire corse avec sa colonisation (sous gouvernance française depuis 1769) pour faire face à un dilemme photographique : est-ce que montrer un territoire, c’est déjà le coloniser ? Car contrôler l’image d’un territoire, contrôler ses visibilités, ses imaginaires, etc., cela suppose déjà de prendre contrôle du dit territoire. Chì tù fermi secca est construit autour de la mémoire contée du village de Granaccia, notamment de mes lignées (Casgiulati et Paddaghjolu) au sein de la famille Leandri. Cette étude se porte ainsi vers la question de l’archive et de ses intensités : à la fois dissimulation, gestation, poids, volume, empreinte et survivance — perceptions notamment héritées d’une culture chrétienne et latine de l’image occidentale. Et finalement, face au paysage, face à l’outil, face à l’image, chaque geste de latence devient geste de résistance : un besoin de renouer avec le récit. Le titre est une ghjastema (anathème) qui provient de la légende d’A Spusata, et traite de ce double statut : entre fixité sentencielle et impossibilité de la transmission. Et alors, d’une résistance à l’image (coloniale) se pose la question d’une résistance par l’image (insulaire) : une reprise du contrôle par la circulation des récits, cette fois-ci, et de commun, systématiquement.
Photographies et installations
Depuis 2021
Le granite, matière première de l’architecture vernaculaire de l’Alta Rocca, est placé au centre de cette recherche, qui, par sa nature radioactive est un moyen d’interroger les flux de l’insularité.
Le projet Lucciole trouve son point de départ dans la légende d’A Spusata. Cette légende nous raconte l’histoire d’une fille miséreuse se mariant à un noble prince, pétrifiée par sa mère suite au “vol” du racloir à pétrin maternel pour sa dote ; pétrifcation qui signerait la fin de la transmission du récit et de la technique à travers le symbole de la préparation du pain devenu impossible. Ce mythe prétrificateur, très largement répandu dans l’imaginaire topographique corse avec de multiples variantes, expliquerait la formation rocheuse près de Vicu ou de Foce Bilzese : l’épouse et sa suite, venus récupérer le pétrin, devenus montagnes. Ainsi le granite, matériau principale de l’architecture vernaculaire de l’Alta Rocca, est placé au centre de cette recherche. Granite qui, par sa nature radioactive et toute à la fois friable, est également un moyen d’interroger les flux, touchant autant au récit et à la mémoire : au “souffle”. Le prétexte granitique permet de nous arrêter sur ces lieux et modes de vie — intérêt qui se prolonge dans les activités du collectif U SCODDU —, sur ces espaces de passages et de transmission, ces espaces de flux et d’arrêts, sur ces espaces sensibles ou devenus sensibles qui accueillent nos paroles, nos mémoires, nos imaginaires. Et ainsi est questionnée la modification à la fois de de l’architecture et de nos espaces urbains — illustrée par la disparition du granit dans notre construction vernaculaire — et à la fois les modifications de notre imaginaire commun à travers la modification du paysage.
Ensemble de pièces,
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Depuis 2022
La dialectique du feu, entre embrasement et recommencement perpétuel, comme mode d’interrogation de l’image et de la violence politique.
Aujourd’hui, la lutte armée en Corse porte l'imaginaire d'une résistance nécessaire au nom de la gouvernance de l’île, créant un climat social sous tension permanente avec de nombreux évènements proches parfois de l’opposition militaire, parfois de la guerre civile, et dans lesquels tant de personnes issues de la société civile seront impliquées. Cet imaginaire sera réveillé récemment par les manifestations suitent à l’assassinat d’Yvan Colonna, qui mettront fin à la trêve entamée en 2014 par le FLNC. Suite à la victoire de 2015 de la coalition nationaliste, le bilan de ce passé sera fait, et à l’heure où de nombreuses voix témoignent, certains pointent la nécessité de son existence, mais aussi, des dérives qu’elle a pu entraîner. Ce regard critique émerge tandis que de nouvelles violences dites mafieuses en Corse — commencées à partir des années 1980 avec le rapatriement de membres de la French Connection et la création de nouvelles bandes dans l’île — vont jusqu’à dominer notre actualité. Cet état de crise, ce cotoiement quotidien de la violence, d’abord politique puis de droit commun, est déclencheur de cette recherche, qui s’actualise à travers le prisme du feu que porte directement le titre FOCU, littéralement le feu. Le feu étudié à la fois dans l’expression de la violence populaire et clandestine, dans la conception chrétienne et magique, et dans l’utilisation paysanne. Ce projet tente ainsi de questionner le territoire et les corps qui l’arpente dans la tension de violence permanente et l’omniprésence des croyances dans notre quotidien, même au sein des mouvements populaires : entre destruction et renouveau, entre guérison et purfication. Et ainsi le feu permet cette alternance entre notre actualité et l’histoire moderne, entre profane et sacré, entre révolution et domination. Une conscience qui se développe face aux images qui me parviennent : l’instantanéité de l’archive, la réminiscence et la rémanence.
Ensemble de pièces,
installation
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Depuis 2022
La photographie a longtemps été définit une absence, dont il nous faudra restituer un spectre d’intensité, très inspiré par le registre de l’image reliquaire, miraculeuse et l’image achiropoïète. Quand vient la prise, la suspension de matière vaut comme une fixation.
Par la photographie, nos spectres sont devenus des êtres mécaniques, tout aussi loin de la Résurrection. Quand vient la prise, la suspension de matière vaut comme une fixation, un corps de chair figé en un corps fait de particules fines des procédés argentiques, levées par le Soleil lui-même ; puis la donnée numérique fera se poser la question de ce contact disparaissant entre chair et matière, du “traitement” du réel plutôt que sa fixation, jusqu’à avancer la fin d’un processus par la perte d’une immédiateté de ce contact. Mais cette fin, bien plus qu’une perte de contact, s’illustre par la perte d’une croyance autour des pouvoirs du procédé photographique : ainsi avons-nous parlé d’une post-photographie. Or, revenant aux croyances depuis la Corse, comment penser cette absence, cette fois-ci dans une culture pensant le monde par croisement des plans : celui des vivants et des morts ? La visibilité en Corse n’est pas à éloigner de la pensée mazzerique : une forme de chamanisme issu du culte des morts qui trouverait ses premières traces dès les premières sédentarisations des peuples du Néolithique. Ayant traversé les âges et les religions, le mazzerisme nous est aujourd’hui conté particulièrement par les chasses nocturnes, rêvées ou somnambuliques, de personnages passeurs dotés d’une hypersensorialité, d’une vision double. Cependant, ce rôle de marquage n’est pas à séparer des pratiques entourant l’ochju (mauvais œil), dont la guérison par les signadori (guérisseur.se.s) dépend eux aussi de pouvoirs chamaniques, qui auraient une origine commune avec ceux des mazzeri. Dans l’ochju, c’est la pensée d’un pouvoir qui survit dans le sort de la jettatura, la pensée d’une puissance dans la visibilisation, un pouvoir du regard.
Photographies,
tirages argentiques 24 x 30 cm
tirages argentiques 24 x 30 cm
Depuis 2021
In li monti di Cuscionu (ou Sù li monti di Cuscioni, ou Nelli monti di Cuscionu ou Nanna di u Cuscionu) : berceuse traditionnelle comportant plusieurs variantes, relevé par Félix Quilici puis Canta u Populu Corsu.
Un des premiers grand impact structurel sur la perception du territoire corse par celleux qui en sont natif.ve.s a été celui apporté par le Plan Terrier, un relevé cartographique du territoire créant une division de l’espace juridico-administratif en unités comptables, en rapport avec la définition nouvelle de la société conçue comme une collection d’individus à transformer. Il bousculera un équilibre passant par l'oral, la transmission familiale et un système de mesures issus d'une élaboration sociale séculaire, vernaculaire. En Corse, comme en Sardaigne les évaluations de longueur, de distance ou de surface, étaient souvent faites en temps (ghjurnata = journée), selon l’effort à produire pour la transformation à effectuer, c’est-à-dire d’une manière forte imprécise et variable selon les lieux, les hommes, dans un rapport quasi-systématique au corps : on est dans une mesure par le relationnel entre l’objet et l’intervenant. Ainsi se pose cette étude durant les estives du lieu dit de Chiralbedda située sur le plateau du Cuscionu, un plateau encore très fréquenté situé entre 4 communes (Quenza, Auddè, Serra di Scopamena et Zicavu) où transhumaient près de 150 familles au XIXe siècle, dont certaines habitants le village de Granaccia dont ma famille qui y vit depuis le XVIIIe. Travaillant l’occupation du territoire et ses changements, à partir de récits familiaux, il s’agit d’expérimenter une forme de recueillement à travers l’appareillage contraignant de la chambre photographique 4x5” — et toutes les opérations nécessaires à l’obtention d’une image — pour étudier ce rapport au temps propre à ceux qui vivaient sur ces montagnes.
